Visite de la Coupole d’Helfaut

Le samedi 16 Mai 2015, nous nous sommes rendus à la Coupole d’Helfaut. Nous y avons rencontré Laurent Seillier, professeur d’histoire et collecteur de mémoires, qui a répondu aux multiples questions que nous nous posions sur ce lieu historique. Il nous a éclairés sur ses missions, ses motivations quant à la transmission de la Mémoire de la Shoah et sur les choix scénographiques opérés dans le musée, notamment dans la partie consacrée à la déportation.  

Un grand merci à Mr Seillier pour nous avoir consacré de son temps et donné accès à la salle des archives ainsi qu’aux collections du musée.

DE L’IMPORTANCE DE LA CONSERVATION ET DE LA TRANSMISSION DE LA MEMOIRE :

LE RÔLE DE LA COUPOLE.

Un musée offre à ses visiteurs l’occasion d’une expérience unique, propre au ressenti de chacun. Les textes, images, sons, vidéos, œuvres… proposent différentes sources de connaissances qui sont l’occasion d’une transmission. Or, celle-ci n’est possible que s’il y a eu conservation des documents. Ainsi, la Coupole s’inscrit dans ce double rôle : conservation et transmission.

Notre déplacement dans ce musée nous a offert l’opportunité de prendre conscience du travail lié à ces missions. Par exemple, nous avons remarqué la présence d’une importante quantité de documents dans la salle des archives. Nous avons ainsi mesuré les efforts humains qui ont permis et qui permettront le recueil, l’archivage et l’analyse de documents et de témoignages.

Monsieur Seillier est l’une des personnes missionnée pour ce travail. Quand nous l’avons rencontré, il a tout d’abord insisté sur l’importance de la mémoire de la seconde guerre mondiale, qui peut et doit être transmise.

DSC05348

L’HISTOIRE DE LA COUPOLE

Dès l’arrivée d’Hitler au pouvoir, l’Allemagne nazie met en place un projet secret visant à l’élaboration d’une fusée à longue portée. Alors qu’à cette époque de nombreux scientifiques et amateurs recherchent et tentent de construire de petits moteurs de fusées, les dirigeants nazis s’empressent de recruter les plus brillants d’entre eux, dont Wernher Von Braun, le père de la V2. Ainsi, dès 1936 se construit le centre de recherche de Peenemünde, situé sur une île des côtes de la Baltique. Deux équipes y sont stationnées : celle de la Luftwaffe (armée de l’air), qui met au point la fusée V1, et la Heer (armée de terre), qui met au point la fusée V2. Les recherches sont dirigées par Wernher Von Braun. C’est donc le 3 octobre 1942 que la première V2 effectue un vol parfait. Etant donné que la portée de cette fusée est d’environ 200 kms, les nazis sont contraints de faire aménager des bases de lancement sur les côtes du Nord-Pas-de-Calais, la région la plus proche de Londres.

Cette fusée V2 a des caractéristiques particulières : une hauteur de 14 mètres, un poids de 13 tonnes dont 9 tonnes de carburant. Elle est capable d’atteindre une vitesse maximale de 5760 km/h, mais celle-ci n’emporte qu’une tonne de charge explosive.

De ce fait, en parallèle du programme de construction du « Mur de l’atlantique », l’organisation Todt se voit confier la charge d’édifier des constructions spéciales, dont un immense blockhaus qui, par sa forme, sera appelé la Coupole. Bâti par les Allemands à partir d’octobre 1943, le dôme est constitué de 55000 tonnes de béton armé avec une hauteur de 42 mètres.

Pourquoi Helfaut, près de Saint Omer ? D’abord pour la proximité de Londres ; ensuite pour la facilité de stocker les fusées dans cette falaise de craie. En effet, les Allemands prévoyaient d’envoyer environ 50 fusées par jour afin de briser le moral des Anglais et de faire pression sur le gouvernement britannique. Ces attaques par fusées sont certes moins efficaces que des attaques par bombardiers classiques mais les Allemands n’en possèdent plus ; par contre, leur impact psychologique est plus important à cause de leur vitesse.

Le site est achevé en Juillet 1944 mais il ne sera jamais utilisé en raison du débarquement américain et du repli des troupes allemandes vers le Rhin. Les V2 seront envoyés par rampe de lancement sur camion mobile.

Après la victoire, le site est abandonné pour la joie des enfants d’Helfaut jusque 1980, nous raconte Mr Seillier. Avec les lois de décentralisation, le Conseil Général décide de réhabiliter le site. Au départ, la construction devait être modeste. Devant l’enthousiasme du public et sous l’impulsion d’Yves Le Maner, le projet va être plus ambitieux. Il devient un centre d’interprétation et de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale sous la direction du même Yves Le Maner, qui a réuni autour de lui un comité scientifique dont Jean-Pierre Azéma fait partie. Le lieu ouvre ses portes en 1997.

LES PRINCIPALES THÉMATIQUES ABORDÉES A LA COUPOLE

L’exposition de la Coupole est divisée en trois parties, définies par Yves Le Maner et le Conseil Scientifique. Elle présente tout d’abord l’histoire du Nord-Pas-de-Calais pendant la guerre et surtout pendant l’occupation allemande. En effet, cette région joue un rôle stratégique dans la Seconde Guerre Mondiale :

– suite à l’invasion allemande de 1940, de violents combats ont lieu pour laisser au Royaume-Uni le temps d’évacuer ses soldats.

– de plus, la région a une fonction stratégique en terme économique grâce à ses ressources en charbon, exploitées pour l’industrie allemande.

– enfin, la proximité avec l’Angleterre et surtout le sentiment anglophile de la population permettent à la résistance de se développer très tôt dans le Nord-Pas-de-Calais.

Cette partie de l’exposition permet également de poser la question de la déportation dans le Nord-Pas-de-Calais. En effet, elle concerne aussi bien les résistants, nombreux dans la région, que la communauté juive.

SONY DSC

La proximité de la région avec l’Angleterre permet, par ailleurs, le développement de la stratégie allemande qui cherche à bombarder le Royaume-Uni pour faire pression sur le gouvernement. Dans cette optique sont mises au point les fusées V1 et V2 dont la particularité est leur grande portée : nous arrivons donc au deuxième point étudié dans l’exposition. En effet, la Coupole n’est autre, au départ, qu’une base de lancement de missiles, proche de la voie ferrée et donc idéalement située. La présentation des fusées V1 et V2 permet d’expliquer au public le concept de guerre totale et de guerre d’anéantissement, même si cette base n’a finalement jamais servi, précise Mr Seillier.

Si les fusées V2 ont finalement peu d’impact sur le déroulé de la Seconde Guerre Mondiale, elles n’en sont pas moins des armes novatrices, mises au point par le scientifique Von Braun, par ailleurs officier SS. Or ce dernier se rend aux Américains à la fin de la guerre. Il leur explique le principe du V2. Dans le même temps, en URSS, Staline cherche à mettre au point des missiles à tête atomique. L’envoi du premier satellite Spoutnik par les Soviétiques, et parallèlement l’échec de Vanguard, font que Von Braun devient ensuite chef des projets de missiles guidés de l’armée américaine. Cet affrontement technologique est en effet un des aspects de la Guerre Froide, présentée dans la troisième partie de l’exposition.

 LA MÉMOIRE DE LA DÉPORTATION ET SA MUSÉOGRAPHIE A LA COUPOLE

Dès l’ouverture du musée, la question de la déportation est posée. Elle évolue en parallèle de la recherche historique et grâce à l’ouverture de nombreuses archives. De plus, la Coupole est devenue un lieu de dépôt d’archives privées ; ainsi, Mme Bomy, fille du Docteur Vanheeckhoet et que nous rencontrerons prochainement, a récemment fait don de l’ensemble de ses archives personnelles. Les historiens détachés ont aussi rencontré de nombreux déportés et recueilli leurs témoignages, par exemple celui de Frida Thau, juive de la communauté de Lens. Mr Seillier nous indique que les documents ne sont pas tous dépouillés et que cela représente un travail de longue haleine.

La muséographie consacrée à cette question est spécifique. Dès l’entrée, dans une des salles taillées dans la craie, un hommage est rendu aux déportés du train de Loos (1er septembre 1944) dont les noms sont inscrits sur des plaques de cuivre. Arrivés dans la muséographie installée sous le dôme, les croquis clandestins agrandis de Léon Delarbre répondent aux photographies de propagande prises par les nazis à Dora. Des panneaux expliquant ensuite les différents aspects de la déportation et des objets retrouvés à la libération des camps complètent cette exposition. Et un film de synthèse illustre la politique de déportation et d’extermination nazie.

Désormais, Mr Seillier nous explique qu’il est envisagé d’installer dans la salle-mémoire des tablettes tactiles qui permettraient de suivre le parcours d’une famille juive.

Depuis l’ouverture, la Coupole a organisé un certain nombre d’expositions portant sur la déportation, en particulier :

– en 2005, « Déportation et génocide »

– en 2012, « 1942, le temps des rafles dans le Nord-Pas-de-Calais et en Belgique».

Par ailleurs, les historiens de la Coupole ont signé une convention de partenariat avec la Fondation des Mémoriaux de Buchenwald et Mittelbau-Dora et ils participent à la rédaction d’un Dictionnaire des déportés de Dora.

Ainsi le travail des historiens permet-il une évolution dans la scénographie du musée, explique Mr Seillier : le regard mémoriel et le regard historique coexistent ; la Coupole est à la fois un lieu dédié à la mémoire de la déportation et un lieu dédié à l’Histoire.

***

Retranscription, ci-dessous, des propos de Mr Seillier concernant le rôle des enseignants dans la transmission de la mémoire :

« Vous voyez tout autour de vous toute une série de cartons remplis de mémoires d’hommes, de femmes, de résistants, etc… Et Laurent Thierry, qui est historien à la Coupole, et moi-même avons connaissance de ce qu’il y a dans ces cartons, et il est clair que cette connaissance doit-être transmise pour assurer la mémoire.

Cela fait 17 ans que je travaille ici, à la Coupole, et j’ai eu la chance de rencontrer un grand nombre de résistants, de personnes déportées qui sont aujourd’hui pour la plupart décédées. (…)

Et souvent, ces personnes me disaient « Attention, parce qu’une fois que nous serons décédés, ce sont les professeurs d’Histoire comme vous, les historiens mais d’abord les professeurs d’Histoire, qui vont transmettre la mémoire de ce génocide ».

Car les professeurs d’histoire de l’académie et de la France entière, ce sont finalement ces personnes qui transmettent cette histoire de la résistance et de la déportation, puisque l’on a en face de nous, que ce soit en classe de troisième ou en classe de première ou de terminale, 800 000 jeunes, jeunes adolescents ou jeunes adultes ; et donc c’est à nous de leur faire comprendre l’histoire de ces hommes et de ces femmes. »

Article rédigé par Alice, Guillaume, Léa, Paul, Rémy, Simon.